Du nouveau

Publié: 2009/08/15 dans Dans le monde, In Morocco, Une peu de moi
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De retour, après un voyage de 16jours à travers lequel je renoue à nouveau avec les personnes auxquelles je pense constamment, ainsi qu’avec ma ville natale qui commençait à me manquer, et que je n’avais plus revue depuis environ une année. Fière de pouvoir la retrouver pour m’y retrouver, avec ce qu’elle me cache toujours de bon et de pourri en elle… le béton agite à nouveau ses tentacules dans l’air et continue de faire des ravages sur notre patrimoine non-officiel, celui dont les enfants de la ville peuvent réaliser l’importance et le symbole, aussi historique que socioculturel. Tant que mes yeux sont assez vivants pour m’aider à m’exprimer, je n’ai que mes larmes pour parler de ce que je vois, des larmes où joie et tristesse se mêlent et s’entremêlent dans l’infini labyrinthe de l’esprit.

De retour après à mon nid douillet qui m’a manqué également. Le temps d’y faire le grand ménage un peu partout, de repeindre ma chambre, d’accomplir les douze travaux en quelque sorte, l’actualité n’attend pas, et reste loin d’être vacances. En parlant de douze travaux, mon douzième serait-il celui de vous parler un peu de ce fameux sondage qui dérange… vous avez reconnu sans doute le sujet qui fait jaser sur la blogosphère nationale. Tel Quel l’a titré sur sa Une (censurée): « le peuple juge son roi ». Pour ma part, rien de surprenant à première vue, bien que plus loin, entre les pages de l’hebdomadaire, le discourt tenu dans la présentation du sujet a bien de quoi gêner tout makhzénien qui se respecte, le poussant à prendre une décision digne de son archaïque état d’esprit tourmenté par l’amalgame, ce qui fait des dégâts tels que la destruction de 100.000 exemplaires du magazine portant ce sondage, et prétexter un manque de respect à la monarchie et je ne sais à quoi d’autre… comme si l’on attendrait que l’on légalise un droit dont il faut jouir. De ce fait, je ne vois aucune illégalité à être informé, en dépit de ce que peut crier telle ou telle autorité. En revanche, le moins que les autorités puissent offrir est de ne pas prendre les citoyens pour des brutes: si le magazine a été censuré pour un sondage mettant la monarchie en question, et que nous avions été privés du journal Le Monde du 4août, la toile marocaine défait toutes les cordes de censure, d’où une version scannée en format PDF des pages supprimés comprenant ce fameux sondage a été mise en ligne en moins d’une semaine après les faits, vous pouvez y lire ceci:

(…) Une chose est sûre : les Marocains n’hésitent pas vraiment à parler de Mohammed VI. Ils croient pouvoir compter sur le vent de liberté qui souffle, en apparence, sur le royaume depuis dix ans. Auraient-ils accepté de répondre aux enquêteurs s’ils avaient su que les numéros seraient saisis et pilonnés ? Certainement pas.

Reste qu’ils plébiscitent l’action de leur souverain. En effet, 91 % des personnes interrogées disent avoir senti, au cours de la décennie écoulée, au moins un changement notable dans leur environnement immédiat. Ils citent, pêle-mêle, les écoles ou hôpitaux, désormais plus proches et plus accessibles, les routes, plus nombreuses, etc.

Le roi est un personnage sacré: Près d’un Marocain sur deux estime, par ailleurs, que la monarchie, telle qu’elle est exercée, est « démocratique ». La peur était-elle si grande, sous Hassan II, qu’il a suffi que son fils desserre un peu l’étau, en matière de liberté d’expression, pour que les gens le considèrent, même hâtivement, comme « démocrate » ?

Plus surprenant : la grande majorité des Marocains qui qualifient la monarchie d’« autoritaire » emploient ce mot non comme un reproche mais… comme un compliment ! « Bien sûr que notre monarchie est autoritaire, et tant mieux !, ont-ils déclaré aux enquêteurs. Mieux vaut que le pouvoir soit entre les mains du roi qu’entre celles des élus corrompus qui ne pensent qu’à leurs intérêts. » Un jugement cruel pour la classe politique et le gouvernement, lesquels sont privés, soit dit en passant, de la marge de manœuvre dont ils auraient besoin pour faire leurs preuves face à une monarchie absolue et omniprésente.

Le faste dont le roi aime s’entourer ne gêne pas grand-monde. C’est l’une des leçons surprenantes de ce sondage : 51 % des Marocains ont le sentiment que le lourd protocole royal a été allégé, alors qu’il n’en est rien. Chaque année, fin juillet, la traditionnelle cérémonie d’allégeance, avec son baisemain et l’attitude servile des élites invitées, reste digne des califes de Bagdad. Mais la relation des Marocains à leur roi est d’ordre sentimental, voire fusionnel. La population ne retient qu’une chose : Mohammed VI n’hésite pas à prendre des bains de foule. Il est donc proche d’elle. Et puis, le roi est un personnage sacré pour les trois quarts des Marocains, révèle l’enquête. Il aurait donc raison de tenir son rang.

Le roi « businessman »: Et même premier opérateur économique privé du royaume à travers ses différentes holdings, ne choque pas, lui non plus. Selon le magazine Forbes, Mohammed VI est le 7e monarque le plus riche du monde, et ses affaires équivalent à 6 % du produit intérieur brut du Maroc. Son emprise sur l’économie nationale ne pose-t-elle pas problème ? Eh bien non ! Seuls, 17 % des sondés s’en offusquent. Les autres, y compris les plus diplômés, estiment que le roi « tire ainsi vers le haut l’économie marocaine ».

L’une des rares réserves que suscite Mohammed VI concerne l’éradication de la pauvreté. Un tiers seulement des Marocains estiment que la situation s’est améliorée dans le royaume, ces dix dernières années. Un autre tiers ne le pense pas. Un quart estime que la pauvreté s’est même aggravée. En matière de sécurité, même désaveu ; 49 % des Marocains se sentent menacés par le terrorisme et la montée de la criminalité.

Mais les critiques les plus sévères qu’enregistre le roi portent sur la Moudawana, ce nouveau code de la famille qui, depuis 2004, fait des Marocaines les égales des hommes, sauf en matière d’héritage. Surprise ! Presque un Marocain sur deux estime que le roi est allé trop loin dans sa volonté de libérer les femmes. Que celles-ci n’aient plus besoin d’un tuteur pour se marier ; qu’elles puissent désormais réclamer le divorce (une prérogative jusque-là réservée aux hommes) ; et que la polygamie soit rendue dans les faits impossible, tous ces acquis sont loin de soulever l’enthousiasme. Seuls 16 % des Marocains pensent que les femmes devraient avoir encore plus de droits.

Le principe de l’égalité des sexes est encore fort peu intégré au Maroc, et cela aussi bien par les femmes que par les hommes. Pour l’heure, le trait dominant des Marocains semble être… le machisme, et celui des Marocaines, la soumission au machisme, et ce quels que soient l’âge, la région et la catégorie socio-économique.

En résumé, les Marocains soutiennent Mohammed VI sur tout, sauf sur sa politique féministe. C’est sans doute l’un des enseignements les plus inattendus de ce sondage. Un autre étant de rappeler les limites de la « démocratisation » à la marocaine, proclamée urbi et orbi par les responsables du royaume ces dix dernières années.

Si le nec plus ultra du respect était de camoufler la réalité, cela relève de la mascarade sociale. D’un autre côté, on se devrait de remercier les appareils de l’Etat de ne pas avoir bloqué la page d’où j’ai tiré cet extrai. Cette action a peut-être le sens implicite que le sondage ne représente aucunement de danger comme insinuent plusieurs, allant loin avec des propos exagérés, jusqu’au point où je ne sais plus si l’on parle toujours de la publication de ce sondage, ou de journaux tenus effectivement par de non-professionnels, en l’occurrence à Al Massae ou l’intox par excellence.

Ce qu’on aurait pu faire, et qui aurait enlevé toute suspicion en évitant les dérapages qui en ont découlé, est que d’abord les autorités devaient prendre le temps d’obtenir un PV écrit permettant la saisie des numéros, bien qu’on n’avait pas besoin de les  détruire d’une telle manière. Je ne dis pas que la liberté de presse n’existe pas, c’est qu’elle est encore à une phase juvénile, et que même si le sondage ne porte aucune offense, le ministre de tutelle aurait pu lui aussi prendre le temps d’expliquer devant les médias que la liberté se construit progressivement, et qu’il faut encore une certaine maturité pour comprendre le sondage comme une information occasionnelle qui se limite aux lignes qui lui sont consacrées. Semble-t-il alors que la controverse ne tourne plus seulement autour du dit sondage, mais remet en question tout un comportement, et celui de la presse, et celui des autorités. La morale est qu’il faut plus de dialogue, de communication, et de prise en considération, de la part des deux bords.
In fine, Mohammed6 est un roi comme il n’y avait jamais eu auparavant au Maroc, a su positivement utiliser son statut pour faire monter l’État de plusieurs marches sur le plan de la démocratie, du développement social. La prochaine marche serait-elle vers la désacralisation de manière à ne brusquer aucune partie?

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